Le 5 mars 2016, nous partions avec Félix Thurler et Michel pour une sacré aventure, la construction de 2 lodges dans le Langtang, à 3500 m. d’altitude, pour une durée de 2 mois !
Jamais nous n’aurions pensé à toute cette difficulté d’organisation. Si oui, serions-nous partis ?
C’était asurément le plus grand défi de ma vie. Mais l’organisation n’a pas commencé que le 5 mars, mais des mois auparavant ! Heureusement, deux amis Népalais m’ont bien simplifié la vie et permis d’obtenir des prix corrects pour tout le matériel.
En janvier déjà, après un voyage où j’ai effectué la traversée de la rivière gelée au Zanskar, je suis allé 10 jours à Kathmandou pour acheter déjà tous le matériel pour l’intérieur car tout a été emporté par l’avalanche lors du tremblement de terre. J’ai acheté des matelas, des couvertures, du matériel de cuisine,des WC, pompe à eau, etc …. avec la participation des familles.
Et le 5 mars, départ avec Félix et Michel pour Kathmandou. C’était la course car il a fallu réunir dans un seul endroit, tout le matériel déjà acheté pour ensuite les charger dans 2 camions qui partait le lendemain pour Syabrubusi, point de départ pour la vallée du Langtang.
Pendant ce temps, Félix et Michel achetaient encore du petit matériel, outils, pelle,,vis, etc…. Le soir on s’est tous réunis pour charger le matériel. Là je me suis rendue compte dans quel galère je m’étais mise ! Nous avions en tout pour 16000 kg de matériel.
Nous avons dû acheter le bois car il est interdit d’en couper au Langtang. Pour aller à Syabrubusi, c’est un trajet d’environ 8h. si tous se passe bien. Il y a plus de 3h. sur une route non goudronnée et beaucoup d’arrêt à des postes de contrôle militaire. A Dhunche, ville principale de la vallée, ils nous embêtés pour laisser passer le bois. On a attendu 3h. au poste de contrôle avant de pouvoir passer. Ensuite nous avons déposé à Dhunche une partie du matériel qui devait partir par hélicoptère et à Syabrubusi, le reste qui serait acheminé par des porteurs. Nous arrivons dans la nuit.. Nous avons roulé en bus depuis Kathmandou, et sur le long de la route, nous avons pris 30 Népalais pour travailler avec nous.
Après une courte nuit, réveil matinal pour l’organisation des porteurs. Il y a 2 jours de marche pour aller au Langtang avec une grande montée au départ ! Le chemin habituel passant par le bas de la vallée, par Bamboo, était inaccessible en ce moment. Félix est partis directement en hélicoptère au Langtang pour faire le point sur le boulot à faire et débuter l’installation du campement.
Nous organisons deux camps avec cuisiniers. Un à Khanjin, les porteurs feront Khanjin-Bamboo aller et retour. L’autre camp à Bamboo, les porteurs feront Bamboo-Langtang aller et retour. Entre Syabrubusi et Khanjin, on a constaté qu’il y avait une route en terre et j’ai loué un camion pour monter le matériel plus haut. Mais sur cette route, dès qu’il pleuvait, tout le terrain descendait et le chemin n’était pas facile ! Ce chemin faisait 6 km. Un jour, pour faire 2 voyages, nous avons fait 10 heures et ensuite le camion est tombé en panne d’essence !
A Syabrubusi, on a engagé un Népalais pour garder le matériel 24h/24h.
Les premiers jours, l’organisation n’a pas été évidente. Au Népal, il faut se déconnecter la tête et prendre le rythme du pays. Tout se fait tranquillement. Ils ne se stressent jamais. Deux jours après être arrivés au Langtang, les porteurs sont tous redescendus. Ils ne voulaient plus bosser, car une villageoise leur a mal parlé ! Les ennuis commencent, 30 personnes descendent ! On a plus de porteurs, plus aucun ouvriers ! C’était déjà difficile de trouver du monde qui voulait travailler là-haut, tout le monde avait peur, et là plus personne.
Félix se retrouvait seul là-haut, sous la neige, complètement perdu, et moi je pleurais en bas pour essayer de récupérer des travailleurs.
Certains ne voulaient plus monter au Langtang. Après une discussion d’au moins 3 h., j’arrive quand même à récupérer 20 personnes, et pour les autres, j’arrive à les mettre pour faire le trajet du bas, Khanjin-Bamboo, ouf !!
Mais il faut encore trouver du monde. Félix essaye de se débrouiller pour trouver des villageois pour l’aider, nous ne pouvons pas perdre de temps car on nous n’avions que 2 mois.
Le matériel commençait enfin à monter. Apres quelques jours déjà, les 200 sacs de ciments de 50kg pour les 4 maisons étaient transportés sur site à dos d’homme, puis ensuite les carrelets ….mais les porteurs ce n’est pas facile à gérer ! Un porteur travaillait un jour, pas le lendemain, ou il partait après 2 jours ! Oh là là, pas facile. Heureusement, mon ami Pemba m’a beaucoup aidé. Au départ, je l’avais engagé pour me donner des cours de Népalais, je pensais travailler la journée et prendre des cours le soir. Finalement il n’a fait que régler les problèmes ! J’en rigole aujourd’hui, mais je n’ai pu faire aucune leçon ….
La nourriture était transporté par mule. Les gens mangeaient le traditionnel Dal Bhat (riz, lentilles, légumes,..) midi et soir. Mais le midi, on faisait marcher le business des villageois. Ils préparaient le repas des porteurs à mi-chemin. Il y en a eu des kg de riz et de lentilles transportés ! De temps en temps je leur achetais du poulet pour changer un peu.
Finalement on a eu 30 porteurs pendant 1 mois et environ 15 ouvriers.
La tâche des porteurs, c’était d’amener le ciment, les carrelets, quelques fers, tous les matelas, du matériel divers, pompe a eau, etc…, et pour les ouvriers creuser, faire du gravier, chercher du sable, faire le mortier, casser les cailloux sous les directives de Félix et Michel.
Moi j’ai dû faire les allers et retours entre le haut et le bas pour l’organisation, acheter du matériel, et surtout organiser pour l’hélicoptère !
L’hélicoptère a vraiment été une aventure ! Tous les matériaux lourds devaient être transporté par air, mais ça été un vrai casse-tête. Le comité du Langtang avait un prix préférentiel pour juste quelque temps, et je devais me battre avec l’aide des habitants pour pouvoir avec quelques vols. Mais les discussions sont interminables et les décisions se font attendre. On nous promet une réponse dans 2 jours, puis dans 3, puis après 1 semaine, etc… et toujours l’attente. Je faisais des allers et retour à Kathmandu dans l’espoir de faire avancer la chose, mais rien n’y faisait ..
Après 3 semaines, enfin une bonne nouvelle. On m’annonce qu’on pourra faire nos 30 rotations dans 2 jours et pendant 3 jours. Et puis vous savez quoi ???? L’hélicoptère se crashe au Langtang, ce n’est pas une blague !!!! Heureusement, pas de mort, mais juste l’hélicoptère foutu et ils avaient qu’un seul hélico pour ces rotations au Langtang. Et nouvelles discussions, discussion ….Ensuite, ils ont voulu que je fasse les vols depuis Syabrubusi. J’ai dû changer de place 2-3 choses là-bas et ensuite ils m’ont dit de remettre le matériel à Dhunche (1h30 de route!)
Après tous ça les prix sont redevenus normaux, soit 1000 dollars la rotation au lieu des 500 dollars prévus au départ. Là je me suis terriblement inquiété. Comment faire, ça dépassait nettement le budget prévu. Après plusieurs discussions avec mes amis, on s’est dit on doit avancer, on ne peut pas abandonner si près du but, avec tout le travail déjà réalisé. Nous sortons l’argent manquant de nos poches en pensant nous rembourser après.
Pendant ce temps, Félix et son équipe avance bien. Le terrassement avance. Ils font un super boulot. On s’appelle régulièrement pour partager nos soucis et par moment, on pleure ensemble !
Un mois et demi après, nous avons enfin la date du transport par hélicoptère. Mais encore un problème ! Ils veulent prendre le matériel depuis Syabrubusi mais pas depuis Dhunche où tout est entreposé, alors là je deviens folle ! J’exige de voir le chef de la police pour en discuter, et là, c’est la chance. Il vient de rentrer de Suisse, il adore notre pays, et après avoir fais une bouffe ensemble, et bu une bonne bière, le vol se fera finalement le lendemain. Je crie de joie, je téléphone tout de suite à Félix pour l’avertir.
En une journée, ils auront terminé les 30 rotations, je suis délivrée ! Ils m’offrent aussi la possibilité de monter au Langtang en hélicoptère ! Là, je me rends compte encore plus de la dimension du drame. L’avalanche a été monstrueuse et a complètement couché les arbres de l’autre coté de la vallée !
Après un mois et demi, et grâce à Félix et aux travailleurs, enfin les lodges commencent à se monter gentiment. Je me souviens, avec Félix, nous avons célébré la pose de la 1ère fenêtre ! On a pris pleins de photos ! Encore 15 jours de travail intensif pour voir enfin la structure de la 1ère maison et nous devions repartir. A notre départ, la 1ère maison étais déjà finie et l’autre à moitié finie. Les travailleurs la finiront après…
Nous étions les deuxièmes à refaire un lodge convenable dans le coin. A côté, c’était toujours que des décombres, il n’y avait plus de vie dans ce village.
Lors de ma visite cet automne, j’ai constaté que la vie était revenue au village. Plusieurs autres maisons ont été reconstruite, ça m’a fait chaud au coeur. Le 25 avril 2015 a été une tragédie pour eux, ils avaient tous perdus un membre de leur famille, perdus leur identité, mais maintenant enfin, le LANGTANG REVIT.
C’était un défi de folie que nous avons réussi avec fierté mais tous ça c’est grâce à vos dons, à vos encouragements, à vos remerciements, ça nous a rendu fort.
Merci de tout coeur.
Karine.